L'évaluation des effets de l'histoire paysagère sur les patrons de biodiversité actuelle s'appuie aujourd'hui sur une multitude de données spatiales, le plus souvent en libre accès. De nombreux travaux ont d'ailleurs démontré l'apport des cartes anciennes, des archives photographiques ou satellitaires pour mesurer l'impact des perturbations passés sur la répartition actuelle des espèces. Plusieurs verrous limitent toutefois la dimension spatiale et temporelle des études menées : (1) les sources spatiales mentionnées disposent d'un niveau de qualité variable qui limite la mise en œuvre de procédure automatisée pour extraire l'information ; (2) l'hétérogénéité des sources complique leur comparaison et biaise les changements estimés ; (3) malgré un recul temporel intéressant offerte par ces données, la durée de période reconstruite est parfois trop courte pour relier ces processus paysagers à certains processus biologiques en cours. Nous avons pour objectif de combler ces manques dans le but de faciliter la reconstitution de trajectoires paysagères passées sur de vastes étendues et des périodes plus longues. Trois axes de réflexion peuvent être mentionnés :
(1) L'Apprentissage Machine pour maximiser l'exploitation des données anciennes
L'émergence du Machine Learning/Deep Learning dans les questionnements liés aux traitements des images numériques permet d'envisager de nombreuses pistes pour maximiser l'exploitation des données anciennes. Trois aspects peuvent être soulignés : (1) la restauration des données image de qualité dégradée (ex :le bruitage, les trous ou le floutage des photographies aériennes anciennes) ; (2) l'enrichissement des données images aux attributs restreints (ex : spectralisation d'images en N & B ou peu résolus) ; (3) l'extraction automatisée des éléments à proprement parler à partir de ces différentes sources.
(2) Explorer les données spatiales « délaissées » pour remonter plus loin dans le temps
Bien que nous disposons d'une vision relativement complète des données à disposition pour mener ce type d'études, d'autres données restent peu exploitées car prévues pour d'autre objectifs. Par exemple, les données LiDAR acquises pour constituer la RGE Alti (Référentiel à Grande Echelle, IGN) en zones sensibles (ex :Massif forestier) présentent en apparence des attributs peu pertinents pour mener des études d'écologie historique (.i.e. acquisition hors-feuille, faible densité de points) mais présentent plusieurs avantages. Elles sont acquises sur de très grandes étendues et permettent d'observer dans certains cas, l'empilement des traces d'occupations passées sur des pas de temps multi-séculaires. Par conséquent, des réflexions sont à mener sur le traitement de ces données mais également sur la validité/incertitude des informations contenues dans ces sources.
(3) Modéliser les relations potentiellement existantes entre le passé « proche » et le passé « lointain »
De nombreuses études menées sur une grande diversité de milieux montrent très clairement que certains traits des écosystèmes actuels découlent d'évènements ou de processus remontant à plusieurs siècles voire plusieurs millénaires. Cependant les données paléoécologiques permettant d'étudier l'histoire des environnements sur de telles échelles de temps sont par nature discontinues spatialement et temporellement. Ces problèmes rendent la jonction entre l'étude de l'histoire récente et ancienne des écosystèmes extrêmement délicate. Dans ce contexte, une piste de réflexion serait de travailler sur des outils de modélisation permettant de synthétiser des données paléoécologiques hétérogènes afin d'obtenir des variables compatibles avec les modèles utilisés pour l'étude du passé récent des écosystèmes. A titre d'illustration, il serait par exemple intéressant d'explorer le potentiel d'outils utilisés pour reconstruire des trajectoires paysagères dans le passé proche pour interpoler spatialement des données paléoécologiques plus anciennes et donc discontinues.
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