ATELIERS > CO-CONSTRUCTION DES SAVOIRS

CO-CONSTRUCTION DES SAVOIRS

 

Co-Animateurs-Animatrice

  • Sophie Caillon (CEFE-UMR 5175, Montpellier)
  • Bastien Castagneyrol (Biogeco, INRAE Bordeaux)
  • Romain Julliard (CESCO – UMR 7204, Paris)

 

Les expériences de sciences et recherches participatives (SRP) constituent une interface de premier plan entre la recherche et la société en reposant directement sur l’engagement conjoint des chercheur·euse·s et des citoyen·ne·s, à titre individuel ou rassemblés en groupes d’acteurs spécialistes (associations, bureaux d’études, ...)1

Les SRP se sont largement développées dans la dernière décennie, en parallèle d’une demande d’implication de la société dans la production et l’accès aux connaissances scientifiques susceptibles d’éclairer le débat public (mouvements d’accès ouvert des données et de science ouverte). Les SRP sont souvent présentées comme relevant de la co-construction des savoirs par les acteurs de la recherche et les non chercheurs, autrement dit comme une entreprise à bénéfices réciproques, pour l’avancement des connaissances collectives et individuelles. 

Les approches de co-construction des savoirs posent un ensemble de questions inédites sur le rôle des institutions et des individus dans l’orientation et la mise en œuvre de la recherche, comme dans la diffusion et l’utilisation des résultats de la recherche. Or, les formes de co-construction des savoirs entre chercheurs et citoyens non chercheurs sont multiples2. Il y a par exemple de grandes différences de finalités et de modalités de co-construction des savoirs entre les deux formes extrêmes que sont d’une part des projets pilotés par la recherche et sollicitant les citoyens pour l’acquisition de données de masse (crowdsourcing) et d’autre part des projets à l’initiative d’acteurs non-académiques réunis autour d’une problématique commune auxquels la recherche pourra apporter un soutien intellectuel et logistique. 

La diversité des formes de co-construction des savoirs rend difficile l’évaluation systématique, qualitative comme quantitative, de cette nouvelle approche de production des connaissances, qui est de nature à transformer à la fois la relation de la société à la science et à la recherche, et le rôle du chercheur. 

L’aspect transformatif des SRP sur la société a reçu une attention croissante au cours des dernières années3,4. Il s’agissait notamment de comprendre la motivation des citoyens non-chercheurs à s’investir de manière durable dans la co-construction des savoirs avec les chercheurs, le but étant de renforcer l’engagement des participants vis-à-vis du projet et de promouvoir le transfert de connaissances5. Mais la motivation individuelle à s’impliquer dans un tel projet peut être extrêmement différente entre les participants impliqués dans un projet de collecte de données en masse (crowdsourcing) et un groupe de professionnels réunis autour d’une problématique commune pour laquelle la recherche pourra leur apporter des solutions personnalisées. 

Les conséquences de l’engagement dans la co-construction des savoirs sur le métier de chercheur sont au contraire largement inexplorées. Une analyse bibliométrique rapide visant à simplement quantifier la production de connaissances scientifiques au travers des SRP sur la seule base de la quantité d’articles scientifiques publiés ne permettrait pas de révéler les transformations du métier des chercheurs impliqués dans la co-construction des savoirs. En effet, il ne s’agit plus seulement pour le chercheur d’interroger le monde et de le mettre en écriture pour le rendre accessible à sa seule communauté. Les démarches de co-construction des savoirs imposent une plus grande proximité entre les chercheurs et la société, de manière bilatérale. Les chercheurs engagés dans cette démarche sont obligés de s’adapter à un nouveau rythme de recherche afin d’intégrer une pluralité de régimes de pensée. Cette démarche s’inscrit souvent dans un autre mode de recherche, la slow science, un mouvement initié en Allemagne par The Slow Science Academy 6 en 2010 (slow-science.org), puis par Olivier Gosselain 7et Isabelle Stengers 8 en réaction à la surproduction d’articles scientifiques 9, à l’accélération et à la désynchronisation entre les plus rapides et les plus lents 10. Les chercheurs doivent innover non seulement en adaptant leurs questions de recherche et méthodes mais aussi leur posture en acceptant de sortir de leur position de “sachant” : les chercheurs impliqués dans ces approches de co-construction développent une attention plus particulière aux attentes de la société, en termes de questionnements comme de réponse. Cette transformation affecte inévitablement la marche de la science.

 

CS INEE : Patricia Gibert, Camille Larue, Estelle Baehrel

CNRS-INEE : Stéphane Blanc, Nicolas Teyssandier

 

Références

  1. Houiller, F. & Merilhou-Goudard, J.-B. Les sciences participatives en France : Etat des lieux, bonnes pratiques et recommandations. 123 http://www.sciences-participatives.com/ (2016).
  2. Haklay, M. et al. What Is Citizen Science? The Challenges of Definition. in The Science of Citizen Science (eds. Vohland, K. et al.) 13–33 (Springer International Publishing, 2021). doi:10.1007/978-3-030-58278-4_2.
  3. Deguines, N., Princé, K., Prévot, A.-C. & Fontaine, B. Assessing the emergence of pro-biodiversity practices in citizen scientists of a backyard butterfly survey. Science of The Total Environment716, 136842 (2020).
  4. Kieslinger, B. et al. Evaluating citizen science - Towards an open framework. in Citizen Science - Innovation in Open Science, Society and Policy (eds. Hekler, S., Haklay, M., Bowser, A., Vogel, J. & Bonn, A.) 81–95 (UCL Press, 2018).
  5. Land-Zandstra, A., Agnello, G. & Gültekin, Y. S. Participants in Citizen Science. in The Science of Citizen Science (eds. Vohland, K. et al.) 243–259 (Springer International Publishing, 2021). doi:10.1007/978-3-030-58278-4_13.
  6. SLOW-SCIENCE.org — Bear with us, while we think. http://slow-science.org/.
  7. Gosselain, O. Slow Science – La désexcellence. (2015).
  8. Stengers, I. & James, W. Une autre science est possible! manifeste pour un ralentissement des sciences. (La Découverte, 2013).
  9. Malcolm, N. Sinking in a sea of words. As academic journals proliferate. The Independent Sunday (1996).
  10. Coutellec, L. La science au pluriel: essai d’épistémologie pour des sciences impliquées. (Éditions Quae, 2015).

 

 CONSULTER LES CONTRIBUTIONS: https://prospectives21.sciencesconf.org/browse/session?sessionid=63858

Personnes connectées : 3 Vie privée
Chargement...